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Psychiatrie : l'hospitalisation contrainte

 Adeline Hazan et Sarah Hatry, chez Dalloz 

A Hazan hospi contrainteLieu de soins, l’hôpital psychiatrique est également parfois un lieu de privation de liberté où peut intervenir une restriction importante des droits des personnes. Le CGLPL (Contrôleur général des lieux de privation de liberté) est une institution créée en 2008, suite à l’adoption par la France du protocole à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Il est habilité à inspecter les établissements de santé mentale - plus de 130 établissements ont été visités depuis 2008 - et à interpeller les autorités sanitaires sur d’éventuelles dérives constatées.

C’est au vu de ces dérives qu’Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, a co-écrit avec Sarah Hatry, docteure en droit public, un livre ouvrant une réflexion sur le déroulement et l’opportunité de l’hospitalisation sous contrainte telle qu’elle est pratiquée actuellement, avec un éclairage historique, une analyse des textes en vigueur, une analyse des pratiques actuelles, et des expériences innovantes en France et à l’étranger.


En France, l'hospitalisation contrainte a connu depuis 2011 une réforme profonde :

- Relative au contrôle du juge :

La loi du 5 juillet 2011 a introduit un contrôle systématique à bref délai des mesures d'hospitalisation sans consentement par le juge des libertés et de la détention et renforcé les droits des patients concernant l’information sur leurs droits et les voies de recours. Le délai pour le contrôle du juge a ensuite été fixé à 12 jours par la loi du 27 septembre 2013.
L’audience se tient par principe dans une salle spécialement aménagée de l’établissement de santé.
L’assistance par un avocat, obligatoire en droit, est peu effective dans les faits et les avocats sont peu formés à cette question, ce qui donne parfois aux débats une tonalité contentieuse sans rapport avec la question des soins. 
Les auteurs rappellent que cette réforme est arrivée elle-même de façon contrainte, en raison d’une injonction du Conseil Constitutionnel, sans que soit intervenu sur la question un changement préalable de perspective de la part des professionnels ou de la société.


- Relative aux différentes modalités d’admission en soins psychiatriques sans consentement : 

La notion précédente d’"hospitalisation" a été remplacée par celle de "soins". On distingue maintenant : 

Les SDT : Soins à la demande d’un tiers. Les conditions en sont le besoin de soins immédiats pour la personne, des troubles qui rendent impossible son consentement et deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de 15 jours, avec la possibilité d'un seul en cas d’urgence, où il y a risque grave à l’intégrité du malade. 
La nouveauté, par rapport à l'ancienne "HDT", est l'introduction de soins ambulatoires sans consentement. La forme de la contrainte (à l'hôpital ou en ambulatoire) se décide après une période d’observation et de soin initiale de 72 heures en hospitalisation complète, avec un examen somatique complet opéré dans les 24h.  

Les SPI : Soins en cas de péril imminent.  C'est une nouvelle modalité d’admission en soins sans consentement en l’absence de tiers demandeur. Pour le législateur, il s’agissait d’ouvrir les soins aux personnes isolées et désocialisées, mais l'usage actuel en est beaucoup plus large et génère une augmentation des hospitlaisations sous contrainte depuis 2011. Le péril imminent peut être constaté par un seul certificat médical d’un médecin non lié à l’établissement d’accueil, avec les mêmes conditions de fond que les SDT. 

Les SDRE : Soins sur décision du représentant de l’Etat.  Anciennement "hospitalisation d'office", cette procédure s'applique si les troubles nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou l’ordre public. Deux certificats médicaux à 24 h et à 72 h doivent être établis. Les auteurs soulignent que ce rôle possible d’un représentant de l’Etat dans les soins sous contrainte constitue une exception française, et n'existe pas dans les autres pays.

Au niveau international

De nombreuses sources protègent les droits et libertés des personnes. Sur ce plan de l’hospitalisation sous contrainte, la plupart des institutions admettent sous certaines conditions la restriction ou la privation de liberté, sauf la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, qui interdit de façon absolue et sans exception la privation de liberté sur le fondement du handicap.


Les réflexions du CGLPL sur les restrictions aux  droits fondamentaux des personnes soumises à des soins sans consentement


- Le droit à l'information du patient sur ses droits est souvent bafoué : droits présentés de manière expéditive,  absence ou contenu incomplet du livret d'accueil... le CGLPL appelle à la rédaction de documents types et à la transpositon des bonnes pratiques constatées dans certains établissements. 
- Le droit d'émettre et de recevoir des courriers est absolu et ne peut valablement être entravé par l'établissement de santé.
- La liberté d'aller et venir fait trop souvent l'objet d'atteintes disproportionnées, non médicalement fondées et il est souhaitable que le ministère émette des directives à ce sujet, garantissant notamment l'accès à l'air libre et à la possibilité de rentrer dans sa chambre en journée.   
- Le droit à l'intimité fait l'objet d'atteintes inacceptables inscrites dans certains règlements intérieurs, concernant par exemple la possibilité de garder ses effets personnels et surtout d'avoir des relations sexuelles. Sur ce point, le CGLPL estime que l'interdiction générale et absolue est contraire à l'article 8 de la Convention  européenne des Droits de l'homme et que les soignants doivent travailler sur le consentement et la prévention des risques. 

Les violations constatées des droits fondamentaux des personnes sont à relier à la méconnaissance de ces droits de la part des soignants et au manque de personnel (de surveillance, ou médical) ;  ces facteurs favorisent en outre le recours à l'isolement préventif à des fins sécuritaires.


Isolement et contention

On observe une généralisation depuis 20 ans du recours à l'isolement et à la contention, sur fond d'un impératif de sécurité publique associé à une prétendue dangerosité des patients. Pour ces derniers, ces pratiques sont traumatisantes et source d'un sentiment de dévalorisation.
Les recommandations internationales prévoient le recours à ces pratiques seulement s'il s'agit du seul moyen de prévenir un dommage immédiat au patient ou à autrui, si leur durée est limitée au temps strictement nécessaire à cet effet et si le patient est alors surveillé étroitement et soigné par un personnel qualifié.

Or le CGLPL a constaté que les méthodes de contrainte physiques sont (re)devenues en France indispensables aux professionnels alors qu'elles constituent des atteintes maximales à la liberté, et qu'elles prennent la forme parfois de traitements inhumains et dégradants, d'autant moins tolérables que les personnes sont dans un état de fragilité et de dépendance.

D'où leur encadrement récent par la loi du 26 janvier 2016 et l'instruction ministérielle du 29 mars 2017, suite aux préconisations du CGLPL.  Isolement et contention y sont explicitement définies comme des mesures de dernier recours, avec trois conditions :
- un risque de dommage immédiat,
- une durée limitée,
- une décision d'un psychiatre.
Les établissements de santé doivent par ailleurs tenir un registre des mesures de contention et d'isolement, et rédiger un rapport annuel rendant compte de leurs pratiques.
Toutefois, le CGLPL souligne a ce jour une appropriation insuffisante de ces nouvelles normes par les hôpitaux, avec souvent des anomalies cumulées telles que des prescriptions d'isolement "si besoin", des renouvellements sans décision médicale, des décisions d'isolement ou contention sans recherche de solutions alternatives, des chambres d'isolement sans bouton d'appel, des registres ne permettant pas de tracer les décisions prises etc.  

Les pratiques  innovantes

Elles existent en France, avec le Dr Jean-Luc Roelandt, engagé dans la psychiatrie citoyenne à Lille et avec le CCOMS, qui promeut depuis 2000 un programme de développement des Conseils Locaux de Santé Mentale, et qui a publié en 2016 la version française du "Quality-Rights Tool kit", programme de l'OMS pour l'évaluation de la qualité et du respect des droits.  Le Dr Thierry Najman plaide par ailleurs pour l'ouverture des unités psychiatriques, qu'il a expérimenté avec succès dans un hôpital en région parisienne. 

Et dans les autres pays, notamment en Italie, où généralisant l'expérience menée à Trieste par le Dr Franco Basaglia, le législateur a prescrit en 1978 la fermeture des hôpitaux psychiatriques, privilégiant  les soins communautaires. Les soins sans consentement sont très encadrés et hors infraction pénale, s'effectuent au sein des services psychiatriques des hôpitaux généraux.  De même en Espagne, où la Constitution reconnaît expressement les droits des malades mentaux, les soins psychiatriques ont été inclus dans le système général de santé et de nombreuses structures extrahospitalières se sont développées. Au Danemark, les chambres d'isolement sont interdites, tout comme l'administration de traitements médicamenteux contre la volonté des patients.  

En conclusion, "il est indispensable que les pouvoirs publics se mobilisent pour améliorer la situation des personnes souffrant de troubles mentaux au sein de la société et que la psychiatrie soit enfin considérée comme une priorité". 





   

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