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Lana tient un blog qui détaille "la schizophrénie par une schizophrène" et présente ses "réflexions sur la psychiatrie par une usagère". Elle raconte dans ce texte ceux qui l'ont aidée et ce dont elle avait besoin en période de crise.


J’ai étudié couchée sur mon lit, souffrant de clinophilie. J’ai passé des heures à étudier quelques pages, interrompue par une voix qui me poursuivait. M’arrêtant pour aller à la librairie la plus proche m’acheter des livres sur la psychiatrie, pour tenter de comprendre ce qu’il m’arrivait. J’ai passé des examens oraux les yeux rougis, ayant pleuré dans les toilettes juste avant. Je suis allée au cours la vue brouillée par les médicaments ou les larmes.  J’ai vu les mots danser sur des feuilles, prise par l’angoisse.

J’ai travaillé dans des états d’angoisse pas possible, avec l’envie de hurler chaque fois que quelqu’un s’approchait de moi. J’ai pleuré dans tous les coins de la librairie. J’ai regardé mon environnement en ne le comprenant plus, complètement déréalisée, mais pourtant debout devant les gens.

Mais je n’ai pas écouté ceux qui me disaient de penser à ma santé d’abord. Je ne sais pas ce que ça veut dire, penser à sa santé. Arrêter tout, et penser à sa santé. Et après, quoi ? Que reste-t-il quand on a tout sacrifié à sa santé ? Mes études, mon travail étaient liés à ma passion, les livres. Les livres qui me tenaient debout, qui ne m’avaient jamais abandonnée, même dans les pires moments. Les mots, ceux que je lisais, ceux que j’écrivais, c’est ce qui m’a sauvée. Même quand il n’y avait personne, il y avait les mots.  Alors, lâcher ça, ce n’était pas possible. Tout perdre, mes études, plus tard mon travail, c’était inconcevable. C’était tout ce qu’il me restait. C’était pour ça que je me battais tous les jours. Pour assurer mon présent et aussi mon avenir. Malgré la dépression qui ne me faisait songer qu’à la mort, malgré la psychose qui me faisait vivre dans l’autre monde, il y avait cette peur de perdre ce qui donnerait du sens à ma vie si un jour je guérissais.

Quand j’y repense, je ne sais pas comment j’ai fait. Mais je l’ai fait, et j’en suis heureuse.

Il y  a eu aussi des gens qui m’ont aidée.  Des amis qui sont venus avec moi chez la psychologue ou le psychiatre, à l’hôpital. Mais surtout, ma famille et mes amis m’ont fait du bien en étant ce qu’ils sont, des amis et de la famille, pas des soignants . En étant là, simplement. Bien sûr, j’aurais aimé plus de compréhension à certains moments, mais les gens ne savent pas ce qu’est la schizophrénie, et moi je ne pouvais pas en parler, la plupart du temps. Je ne savais pas ce qu’on pouvait faire pour moi, alors comment leur en vouloir de ne pas le savoir eux aussi ?

Ce sont les soignants, quand enfin on m’a bien soignée, qui m’ont le plus aidée à sortir de la maladie. Cette infirmière qui m’a pris la main. Ce n’est pas grand-chose, mais quand on est crise, c’est beaucoup. Ma psychiatre qui m’a dit « je suis fière de vous ». On ne me l’avait jamais dit. Mon médecin généraliste qui m’a forcée à prendre un congé maladie. Mon autre psychiatre, qui m’a si bien écoutée.

Je n’ai pas de recette magique. Je ne sais pas comment on s’en sort. Je sais juste que je l’ai fait parce que c’était plus facile et moins douloureux que de se laisser glisser totalement dans la folie. En crise, j’avais besoin de douceur, d’amour, de compréhension, d’une épaule. Après, j’ai eu besoin de quelqu’un qui m’aide à comprendre tout ça, à vivre avec, à comprendre le monde, à retourner vivre dans ce monde que j’avais quitté pour l’autre monde.

J’étais sur l’autre rive, j’avais besoin que des gens me tendent la main depuis l’autre côté.

Aujourd’hui, je vis comme tout le monde. J’ai un travail, des amis, de la famille, et toujours ma passion des livres. Je vais bien. Je sais que je pourrais rechuter. Mais je sais aussi que je pourrais m’en sortir à nouveau.

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