Restez informé de notre actualité >>

Changement de nom : des points de vue de psychiatres

WEBINAIRE 1 3

Centré sur les propositions de psychiatres, ce deuxième séminaire diffusé par le CCOMS dans le cadre du Groupe de Travail « Changement de nom » s’est tenu le 14 avril et a fait suite à celui du 12 mars (propositions d’historien et de philosophe) et dont le compte rendu est disponible via ce lien https://www.collectif-schizophrenies.com/actions-militantes/changement-nom. Les usagers et familles présenteront leurs proposition lors d'un prochain webinaire le 9 juin.

Nous résumons ici les interventions de 3 psychiatres Diane Purper-Ouakil (CHU Montpelier pour la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Jean-Arthur Micoulaud Franchi ( CHU de Bordeaux - psychiatre, maitre de conférence en physiologie travaille sur les liens entre les modèles physiopathologiques et la notion de trouble mental) et Fabrice Berna (psychiatre, Centre expert schizophrénie, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg)
vous pourrez trouver l’intégralité des interventions sur YouTube ICI

 

Que nous apprend l’approche développementale ?

Pr. Diane Purper-Ouakil Purper-Ouakil (CHU Montpelier pour la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent)

Diane Purper-Ouakil centre sa réflexion sur l’approche développementale. Sa présentation dresse un état des lieux des connaissances actuelles sur « les états mentaux à risque de transition vers la psychose », sur « les symptômes psychotiques atténués (SPA) » qui peuvent survenir très tôt, chez l’enfant d’âge pré-pubère, et enfin sur « les troubles schizophréniques à début précoce ».

> Les états mentaux à risque
Il ressort d’un panel d’études récentes que les risques de transition vers la psychose pour une population présentant des états mentaux à risques sont inférieurs à 40% à 3 ans. Cependant, il n’est pas exclu qu’ils réapparaissent plus tard.

> Les symptômes psychotiques atténués (SPA)
Ils sont fréquents en population pédiatrique. Le taux de prévalence moyen est de 22 % chez les 8 – 17 ans. Chez les 16-17 ans plus particulièrement, il recule à 10 %, puis à 7,4 % chez les 18-19 ans.
Plus les sujets sont jeunes, plus les SPA sont très faiblement prédictifs d’un risque de trouble schizophrénique.
L’attention doit particulièrement se porter sur les symptômes qui apparaissent ou réapparaissent chez des sujets plus âgés : le grand adolescent ou le jeune adulte.

> Les causes des SPA
Chez l’enfant, les SPA sont essentiellement associés à une exposition à un traumatisme (+ de 14% d’entre eux) ainsi qu’à des troubles du développement intellectuel (+17%). « Il y a une relation entre le nombre de modalités hallucinatoires et l’exposition traumatique ».

> La schizophrénie à début précoce / très précoce
La schizophrénie à début très précoce (avant 13 ans) représente moins de 2% de l’ensemble des troubles schizophréniques, et pour la schizophrénie à début précoce (avant 18 ans), les critères diagnostiques sont identiques à ceux de l’adulte, la prévalence avant 14 ans est de 0,0 5%. Diane Purper-Ouakil présente ensuite les caractéristiques cliniques de ces formes précoces.


Une faible valeur prédictive

Les SPA sont fréquents avant 16 ans, associés à d’autres types de troubles. Ils n’impactent pas nécessairement le fonctionnement ; on ne va donc pas les traiter comme des troubles schizophréniques, d’autant qu’une grande majorité de ces symptômes vont rentrer en rémission spontanée.
On peut affirmer que les SPA avant 16 ans n’ont pas une grande valeur prédictive par rapport au risque de transition vers la schizophrénie.
Les diagnostics des formes précoces sont longtemps instables .

> Conclusion
-  Les SPA sont des symptômes qui manquent de spécificité ;
-  Ils sont très hétérogènes cliniquement ;
-  Ils remplissent peu de critères en faveur d’un diagnostic de schizophrénie chez le sujet jeune.
Néanmoins, il reste absolument nécessaire de procéder à une identification pour permettre une intervention précoce si besoin.

Les médecins sont donc confrontés à un dilemme, soigner avec le risque d’enfermer inutilement le jeune dans une « carrière psychiatrique » ou ne pas intervenir et peut-être laisser passer une possible occasion d’intervention précoce. Il leur faut donc rester ouverts et vigilants par rapport aux différents devenir possibles que ce soit par exemple une ouverture vers un trouble de l’humeur, vers une rémission, ou encore vers un trouble caractérisé schizophrénique.

Analyse clinique versus analyse fonctionnelle

Pour Diane Purper-Ouakil, il est primordial de dissocier l’analyse clinique (des symptômes) de l’analyse fonctionnelle où l’on s’attachera avant tout aux répercussions sur la personne : capacité d’adaptation, autonomie, besoin de compensation… En effet, des signes cliniques patents peuvent ne pas entraîner de gêne chez la personne. Pourquoi alors intervenir ?
Son choix est celui de l’analyse fonctionnelle.

Quel nom ?

Diane Purper-Ouakil défend le terme de Troubles du spectre psychotique, avançant notamment les arguments suivants :
> Il présente une analogie avec le concept de « troubles du spectre de l’autisme » qui a permis de sortir de plusieurs catégories aux limites floues,
> il permet de regrouper dans un même diagnostic des symptômes d’intensités différentes ayant une certaine parenté au moins au niveau de l’expression clinique,
> il permet de dissocier l’analyse clinique (des symptômes) de l’analyse fonctionnelle (des retentissements).
C’est cette dernière qui doit être un déterminant majeur des besoins en soins et des mesures de rétablissement.

Quelle validité pour les classifications ?

Jean-Arthur Micoulaud Franchi (CHU de Bordeaux - psychiatre, maitre de conférence en physiologie travaille sur les liens entre les modèles physiopathologiques et la notion de trouble mental)

Son intervention est centrée sur les classifications en psychiatrie et leur validité, à travers la notion de « construit » et en comparant des catégories telles qu’élaborées dans le DSM et dans les RDoC.

Quelle différence entre DSM et RDoC ?

On peut lire à ce sujet un article de Steeves Demazeux et Vincent Pidoux, paru en 2015 dans la revue Médecine/sciences (m/s), de l’Inserm, « Le projet RDoC, La classification psychiatrique de demain ? » et que l’on pourra consulter à l’adresse https://doi.org/10.1051/medsci/20153108019

 

La classification WKL plus pertinente  ?

Pr Fabrice Berna, psychiatre, Centre expert schizophrénie, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg.
Le Pr Berna appuie son analyse sur la classification de Wernicke-Kleist-Leonard (WKL), présentée dans l’ouvrage « Classification des psychoses endogènes », qu’il a d’ailleurs traduit avec Jack Foucher et Julien Elowe (publiée en 2020 aux éd Fondamental).
Cette classification, élaborée au cours du XXeme siècle, est basée sur des observations longitudinales (suivi des personnes tout au long de leur évolution) très détaillées de plus de 4000 patients.
Elle a été peu diffusée pour plusieurs raisons, dont entre autres car Leonard, chercheur allemand (qui plus est, est-allemand), n’était pas dans l’orbite de la toute puissante psychiatrie américaine. Pour plus d’informations cette classification et les raisons de sa faible diffusion sont très bien expliquées dans a petite vidéo consacrée à ce sujet par l’AESP (Association pour l’enseignement de la sémiologie psychiatrique) accessible via ce lien "http://www.asso-aesp.fr/semiologie/videos-3eme-cycle/classification-de-wkl/."


Pourquoi s’intéresser à cette vieille classification allemande ?

Deux classifications internationales des troubles psychiques sont reconnues en psychiatrie :
> la CIM (Classification Internationale des Maladies, avec un chapitre consacré aux troubles psychiques) de l’Organisation mondiale de la Santé ;
> le DSM de l’Association américaine de psychiatrie (APA).


Dans son intervention, Fabrice Berna compare les approches du DSM 5 et de la classification de WKL. Il considère que la classification de WKL a pour elle les avantages :

  • d’une forte stabilité des diagnostics dans le temps, bien supérieure à celle du DSM ;
  • d’une prédiction de l’évolution et de la clinique et des épisodes ultérieurs ;
  • - de permettre une distinction entre les formes familiales et les formes environnementales ;
  • d’autoriser des approches thérapeutiques qui peuvent être spécifiques.


Globalement, elle apporte une réponse à l’hétérogénéité clinique de « la » schizophrénie, en proposant 35 phénotypes ou maladies distinctes, validés selon différents critères, et qui de plus sont stables dans le temps.

A comparer avec les 5 principaux critères de diagnostic définis dans le DSM, qui bien que construit sur une recherche de consensus entre professionnels de la santé n’a pas permis l’élaboration de diagnostics stables dans le temps. Une étude a montré en effet l’extrême hétérogénéité de l’évolution de la schizophrénie diagnostiquée selon les critères du DSM, puisque au bout de deux ans seuls 75 % des diagnostics restent stables ; ¼ des personnes va être amené à en changer.

Deux approches très différentes


Selon Fabrice Berna, dans le DSM, les troubles sont définis par une approche normativiste, (c’est-à-dire comme une déviation pathologique de la normale). Ils reposent sur une hypothèse nominaliste (« ces troubles existent en tant que tels parce que je pense qu’ils ont une pertinence »). De plus, le DSM est construit essentiellement sur la recherche d’un consensus, issu de la collaboration des professionnels.

L’approche des phénotypes de WKL est plus proche de la façon dont on définit habituellement les maladies en médecine selon Fabrice Berna. Elle est est naturaliste c’est-à-dire qu’on considère que la maladie existe à titre propre dans la nature.
Le phénotype/maladie va être identifié à la faveur de l’observation clinique mais aussi d’une théorie scientifique et d’hypothèses physiopathologiques (recherche des causes des dysfonctionnements responsables de l’apparition des maladies), ou étiologiques (l’étude des causes des maladies.) qui vont guider le repérage et l’assemblage des différents éléments qui vont caractériser cette maladie : Notamment des signes ou des symptômes, une évolution, puis un caractère familial.

Au final, selon la classification de WKL, un patient présente un phénotype/une maladie et un seul ; s’il présente plusieurs épisodes de sa maladie au cours du temps, malgré leur diversité (excitation, puis inhibition, délire par moments ou forte inhibition de la pensée par ex) il est plus pertinent de considérer qu’il s’agit d’un seul phénotype qui s’exprime de façon polymorphe que d’envisager l’existence de différentes maladies qui s’associeraient les unes après les autres.

Le spectre de troubles qui va de la schizophrénie aux troubles bipolaires pourrait ainsi comprendre des phénotypes distincts ou maladies différentes qui, si on applique un regard différent sur l’analyse clinique peut permettre de les repérer, là ou on ne les voyait pas auparavant.

 

En bref : les principes qui ont sous-tendu la classification WKL

1- Observation clinique détaillée, avant les neuroleptiques ;
2- Principe de cohérence : le tableau clinique mieux expliqué par le dysfonctionnement d’un domaine (pensée, affectivité, psychomotricité …) ;
3- Principe longitudinal : plusieurs épisodes correspondent à un seul phénotype/maladie même si leur expression clinique est différente (excitation, abattement, délire, inhibition de la pensée …) ;
4- Principe d’agrégation familiale : si dans une famille plusieurs personnes présentent un trouble psychotique, de l’humeur ou un trouble dépressif, il est plus vraisemblable que ces personnes présentent le même phénotype et non pas des phénotypes distincts.

 

Proposition

Puisque les phénotypes/maladies sont nombreux, FB ne peut se résoudre à proposer un seul nom. Il en faudrait plusieurs (sans aller cependant jusqu’à 35 !) pour tenir compte de l’extrême hétérogénéité de la schizophrénie. Ces noms rendant compte d’une réalité plus stable et plus précise, devraient être les plus neutres et les moins stigmatisants possible.
shizo oui solidarite rehabilitation     schizo jeunsAssiettes chinoises logo final jpegschizo espoirJDSLogo TP TP