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Christian et Marie ont été embauchés respectivement en octobre 2020 puis en octobre 2021, comme «Accompagnateurs pairs aidants famille» aux hôpitaux de Saint Maurice (Val de Marne), par le Docteur Alain Cantero, chef du Pôle 94 G16.
Marie témoigne de son expérience et de sa vision de cette toute nouvelle fonction hospitalière.



Tu occupes à l’hôpital un poste d’ “Accompagnatrice pair aidante familles ”, peux-tu nous dire en quelques mots en quoi cela consiste ? 

Nous recevons et suivons en entretien individuel, de 2 heures en moyenne, des familles qui ont un proche suivi dans l’une des structures du pôle (unité d’hospitalisation, unité mobile, CMP…)  soit à la demande d’un professionnel du service (psychiatre, infirmier…) soit directement de la famille.
Nous co-animons également, aux côtés du chef de pôle, du thérapeute familial un groupe de parole familles qui existe depuis 20 ans dans le pôle.
Nous participons enfin à des réunions cliniques, à des réunions inter-institutions qui nous éclairent sur le fonctionnement interne des services et sur la psychiatrie en général. Nous construisons aussi des outils d' évaluation des familles ainsi que nos propres outils. Pour monter en puissance, nous commençons avec le service com de l’hôpital à travailler à faire connaître cette fonction d’accompagnateur pair aidant famille. Nous avons beaucoup de travail mais faute de budget nous ne sommes qu’à temps partiel.

Comment es-tu arrivée là ?

Par hasard. J’étais en reconversion professionnelle dans le social et commençais ma 2ème année de formation de psychopraticienne, approche centrée sur la personne Carl Rogers. C’est alors que j’ai entendu parler d’un recrutement de pair-aidant famille aux Hôpitaux de Saint-Maurice. J’ai envoyé ma candidature.

Ce poste de pair-aidant famille existe-t-il dans beaucoup de structures ?

Non, nous sommes actuellement les seuls en France sous cette forme ; la pair-aidance familles commence à émerger, avec la création de diplômes universitaires mais il n’y a pas encore de recrutement.
Il faut dire que nous exerçons dans une structure particulière et pionnière. Le chef de pôle, le Dr Alain CANTERO s’attache à ce que les portes de son service soient ouvertes, que les patients participent à la vie du service, qu’il y ait de nombreuses activités tournées vers l’extérieur. Les familles y sont des partenaires du parcours de soin et du rétablissement des patients.

Avais-tu déjà une expérience dans la psychiatrie ?

Sur le plan professionnel, pas du tout. J’ai travaillé comme journaliste puis au service communication d’une entreprise privée.
Mais mon enfant de 29 ans est atteint de schizophrénie. On a connu le parcours institutionnel classique (hôpital, CMP…). Bizarrement cette expérience parfois horrible m’a donné une très forte envie de travailler en psychiatrie. Il y a eu des épisodes de grave mise en danger, je crois que j’ai alors associé l’hôpital à l’espoir et à la sécurité.
J’ai suivi ensuite le programme Profamille qui m’a énormément aidée et m’a permis de me former davantage aux troubles et aux prises en charge.
Les patients me touchent énormément, je ressens une telle empathie que je ne sais comment l’expliquer. 

Sans doute que cela me renvoie à mon propre handicap visuel, car j’ai un long parcours d’empowerment et pour moi c’est le cœur du sujet : l’espoir, la reprise de pouvoir sur son statut, la mise en action.


As-tu été bien accueillie dans ton service ?

Oui tout de suite, nous avons Christian et moi très bien été intégrés, sans réticence, grâce à l’état d’esprit insufflé par le chef de pôle. Tant par l’équipe, très ouverte et avide d’évoluer, que par les familles ou les patients que nous croisons plus informellement. Les retours des familles sont parfois rassurants sur notre fonction : « ça fait du bien, c’est la première fois qu’on parle », « on ne savait pas à qui parler »…
Il faut préciser qu’il y avait déjà depuis 3 ans des pair-aidants usagers dans le service, qui sont 3 aujourd’hui. Nous avons beaucoup d’échanges entre pairs-aidants, nous sommes très soudés et avons une supervision commune.

Comment vois-tu aujourd’hui ta position dans l’équipe ?

Je crois que nous faisons faire un pas de côté à l’équipe ! Pour les soignants, on incarne la famille physiquement et symboliquement, cela contribue à faire évoluer les pratiques.
Pour nous, il s’agit de proposer un outil supplémentaire et innovant aux familles en plus de l’approche historique de la thérapie familiale et du groupe famille.
Le point un peu compliqué est qu’il n’y a pas de socle de formation précis pour cette fonction de Pair aidant famille. La difficulté est donc d’inventer et de construire sa pratique, ce qu’il faut mettre en place pour la prise en charge de l’entourage.

Quelle vision as-tu de la place des proches en psychiatrie ?

La famille, pour moi, est essentielle, elle est un élément constitutif du rétablissement du patient si elle va bien…et inversement.
Certes, il y a des familles qui contrôlent tout et surprotègent. Mais la plupart du temps, les gens sont perdus, se sentent impuissants et dans leur désir d’aider leur proche, ils oublient leurs propres besoins. Ils ont un énorme besoin d’écoute et moi, je pense qu’une psychoéducation pourrait vraiment les aider.
Je trouve aussi que les frères et sœurs sont les très grands oubliés alors que dans la plupart des cas, les troubles ont été repérés par eux.

Comment un poste comme le tien peut-il améliorer la prise en charge ?

Ma conviction profonde est que la famille est clé pour le rétablissement. La pair-aidance est un nouveau dispositif qui peut l’aider à cheminer et à avancer par étape car c’est compliqué pour elle d’aller vite et on le comprend !
Je pense qu’il faut aussi rester humble, ce n’est pas magique. C’est très lent comme processus : la famille a ce choix de se saisir des outils pour se rétablir elle-même mais pour cela, elle doit avoir envie de changer pour s’adapter à sa nouvelle réalité. Personne ne peut le faire à sa place et surtout pas nous !
Ce qui est fondamentalement nouveau, c’est l’espoir de la part de la famille et le changement de regard des soignants : la famille est un partenaire pour les soignants et inversement, les familles se sentent considérées et donc, ont plus confiance en eux. Cet équilibre favorise globalement l’alliance thérapeutique.

Comment envisages-tu ton avenir ? Celui de la fonction de proche aidant ?

Moi je suis très heureuse dans mon poste, et je vais avoir besoin de beaucoup de temps pour mettre en place tous mes projets, parmi lesquels justement celui de construire un cadre référentiel pour cette fonction.

Notre avenir proche, c’est donc de prendre beaucoup de notes, de faire des tas de tableaux - vive Excel ! - d’assister aux évènements ou conférences sur la santé mentale pour nous tenir informés sur les actions en faveur des usagers, d’exercer une veille sur les dispositifs et enfin de poursuivre nos échanges pour apprendre de nos alter-egos comme Manon Dion, responsable du réseau Avant de craquer au Québec et Mbarka Baija référente famille à l’hôpital Beauvallon en Belgique.

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