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Nicolas Franck petiteSonia Dollfus a initialement suivi un double cursus de pédiatrie et psychiatrie.

Elle s’est d’abord intéressée au domaine de l’autisme avant de se consacrer à la psychiatrie adulte.

Professeur des universités, psychiatre d’adulte, elle mène en parallèle de son activité de clinique, une activité de recherche, particulièrement dans le domaine des schizophrénies.

Interview réalisée en février 2020 

Quel a été votre premier axe de recherche ?

En recherche fondamentale, un de mes premiers axes de recherche a été de rechercher des altérations cérébrales sous-jacentes aux hallucinations auditives à l’aide de l’imagerie cérébrale.
On peut dire que la schizophrénie est une pathologie du langage : les régions du langage dans le cerveau sont en effet impliquées dans les hallucinations auditives. Dans la population générale, 95% des sujets droitiers traitent le langage avec l’hémisphère gauche. Beaucoup de travaux ont étayé le fait que dans la schizophrénie, il y aurait une perturbation de cette spécialisation hémisphérique gauche pour le langage.
Pendant plusieurs années j’ai ainsi travaillé sur la spécialisation hémisphérique pour le langage.
J’ai recherché l’existence d’altérations cérébrales tant fonctionnelles que structurelles chez les patients.

Qu’avez-vous trouvé à l’imagerie ?

On a fait passer aux patients une IRM fonctionnelle, leur demandant simplement d’écouter une histoire. On a pu observer qu’un tiers d’entre eux présentait une réduction de la spécialisation hémisphérique gauche pour le langage. On a recherché si ces altérations fonctionnelles étaient liées à des altérations structurelles dans le cerveau. On a pu voir par exemple que les hallucinations auditives étaient liées à des altérations plus prononcées des connexions inter-hémisphériques et notamment de fibres nerveuses qui relient en particulier les aires de langage.

Ces altérations ne sont-elles pas la conséquence de la prise des antipsychotiques ?

L’impact des antipsychotiques sur le cerveau est une question que se posent les chercheurs. On a regardé l’impact de la prise des différents antipsychotiques sur la substance blanche du cerveau. Une première étude a montré des résultats très différents selon le traitement utilisé, notamment entre antipsychotiques de 1ère et de 2ème génération, ce à quoi on ne s’attendait pas. La clozapine aurait même un effet potentiellement protecteur : les patients traités avec la clozapine, pourtant a priori des patients avec une pathologie plus résistante et donc ayant potentiellement plus d’altérations, montrent en fait une substance blanche moins altérée que les autres, et même très proches des sujets contrôles.
>> lien vers papier de 2018/2019 Leroux/Dollfus
Une nouvelle recherche est en cours pour confirmer ces résultats.

Pour ce qui est de la thérapeutique, vous vous intéressez à la stimulation magnétique transcranienne (TMS), qu’est-ce que c’est ? 

La TMS, sur le principe, consiste à apposer une bobine sur le scalp ; on fiat circuler un courant électrique dans cette bobine provoquant un champ magnétique très puissant (1,5 tesla qui est le champ magnétique d’une IRM standard) mais très localisé.
Cela crée un courant électrique au contact des cellules nerveuses (qui sont elles-mêmes polarisées), courant qui va se propager dans les circuits des neurones..
La machine envoie des stimulations dont la fréquence est choisie selon la pathologie. La séance dure entre dix et vingt minutes.

Quelles pathologies sont concernées ?

Elle est utilisée en pratique clinique dans la dépression, même si elle n’est pas offerte dans tous les services.
Pour la dépression, la TMS est préconisée à raison d’au moins 15 séances, avec 1 séance par jour et une fréquence de stimulations autour de 10 Hz (soit 10 stimulations par seconde).
Pour la schizophrénie, et c’est le lien avec mes recherches précédentes, on peut traiter avec la TMS les hallucinations auditives dans le cadre de la recherche, en stimulant au niveau des régions du langage.
Ce qui est en général préconisé, c’est une stimulation à basse fréquence, à 1 Hertz, au moins trois semaines, et avec une séance par jour. 


Quels sont les résultats de cette TMS basse fréquence ?

La première publication dans la schizophrénie date de 2000. Au cours des dix premières années, il y a eu beaucoup d’enthousiasme. Mais actuellement, la communauté s’interroge et la littérature est un peu controversée. Il y a des études positives, mais d’autres ne montrent pas d’efficacité. Mais nous pensons que tout n’a pas été exploré.

Pourquoi ?

La TMS basse fréquence dans le traitement des hallucinations auditives repose sur un dogme : la haute fréquence (supérieure à 10 Hz) aurait un effet stimulant tandis que la basse fréquence à 1 Hz (une stimulation par seconde) provoquerait dans le cerveau des effets inhibiteurs. Dans les hallucinations auditives, les zones du langage sont très actives, et c’est pourquoi la communauté scientifique est partie sur l’utilisation de basses fréquences pour inhiber l’émergence des hallucinations. Sauf que cette dichotomie inhibition / activation n’a été montrée que sur le cortex moteur, où l’on a une réponse motrice qui peut être enregistrée et quantifiée par l’électromyogramme. En revanche, rien n’est quantifiable sur les autres types de cortex, et plus précisément, sur le cortex temporal, où se trouvent les régions du langage. Considérer qu’il faut stimuler à basse fréquence pour inhiber dans le cortex temporal n’est peut-être pas pertinent et en tout cas n’est pas prouvé.


Quelle est l’originalité de cette recherche ?

La première, c’est l’utilisation de la haute fréquence : on va stimuler à 20 Hz (20 stimulations par seconde). A cette fréquence, on prend des précautions, notamment pour éviter une crise convulsive. En respectant des recommandations très cadrées (fréquences, espacement des pulses de stimulation etc.), les seuls effets secondaires observés sont minimes et temporaires (inconfort, contractions avec des clignements d’yeux, maux de tête). 
On a effectué la première étude avec 72 patients, dont 54 qui ont fait tout le traitement. Les premiers patients ont été traités en 2007 dans une étude pilote. On a donc du recul.
Autre originalité, on est très précis dans l’endroit où on stimule. Pour être précis, on va faire une imagerie fonctionnelle, voir la zone activée particulièrement dans la région du langage. De plus, on utilise la neuronavigation : on positionne la stimulation sur une région du cerveau localisée de manière très précise par le dispositif. On introduit donc à la fois la haute fréquence et la neuronavigation.

Quels sont les résultats de la TMS haute fréquence ? 

Notre première étude a fait l’objet d’une publication dans une grande revue en 2018. L’effet clinique observé est significatif au quatorzième jour après la stimulation. Ce délai d’action ne nous a pas surpris, il y a toujours un délai d’action des traitements. L’aspect négatif, c’est que cet effet ne persiste pas dans le temps.
Nous avons donc un nouveau protocole dont l’étude démarre


Comment se déroule cette recherche en cours ? 

110 patients vont être inclus sur plusieurs centres. Après la stimulation initiale, on va refaire une séance tous les quinze jours pendant plusieurs semaines, et le suivi va durer 6 mois. La première étude, où on avait localisé la zone à stimuler avec l’imagerie fonctionnelle, a montré que c’est souvent au même endroit qu’il faut stimuler les patients. Du coup, on peut transposer cette zone chez de nouveaux patients avec une simple IRM anatomique et tous les centres vont faire exactement la même chose.

D’autres applications de la TMS sont- elles envisagées ? 

Oui, nous allons mener d’autres études avec de très hautes fréquences, avec des salves très courtes sur d’autres zones du cerveau. Nous allons étudier l’impact sur les symptômes négatifs d’une TMS très haute fréquence sur le cortex préfrontal gauche chez des patients avec des symptômes négatifs prédominants. Et aussi sur le cortex frontal médian pour des personnes ayant des difficultés dans le domaine de la cognition sociale.
Nous sommes en train d’inclure des patients dans ces recherches.

Qui finance cette recherche ?

Les recherches sur la TMS ont été financées par la région Normandie, par le Ministère de la Santé, la Fondation FondaMental et l’Association Perce-Neige.

Avez-vous d’autres recherches actuellement au CHU de Caen ? 

Dans le laboratoire, on mène aussi une recherche pour essayer de démontrer que l’activité physique chez nos patients qui souffrent de schizophrénie a une efficacité sur les symptômes mais aussi sur les troubles cognitifs comme les troubles de la mémoire, les troubles de l’attention et a un impact les structures cérébrales. On a développé un programme qui s’appelle Programme de recherche Pepsy. Ce programme propose de l’activité physique adaptée avec des coachs qui sont formés à la santé. On a eu la chance de pouvoir s’appuyer sur une plateforme (Mooven) qui développe de l’activité physique adaptée à distance, qui travaille aussi en pédiatrie et oncologie, et qui a étendu son dispositif à la psychiatrie. L’originalité est de proposer une activité physique à distance, avec un coaching en ligne par visio, où le coach et le patient se voient et interagissent.

Comment se déroule ce programme PEPSY ?

Dans notre protocole de recherche, cette activité physique est proposée à raison de deux séances par semaine pendant 32 semaines. Les patients sont très contents de cette modalité à distance puisque le patient peut rester chez lui et le coach peut utiliser du matériel que le patient a chez lui sans aller dans une salle de sport ou faire des choses très particulières ou très compliquées.

Comment allez-vous mesurer cette efficacité de l’activité physique ?

On a prévu un protocole Hi-Tech. Non seulement, on va regarder les résultats au niveau clinique, faire une évaluation cognitive, une imagerie du cerveau avant et après, des examens de sang, mesurer les consommation de tabac, alcool, cannabis etc., mais on a prévu aussi un dispositif qui mesure précisément l’activité motrice des personnes, leur fréquence cardiaque pendant la séance, leur température corporelle etc. 
Pour avoir un haut niveau de preuves, on va comparer le groupe qui suit le programme PEPSY à un groupe de patients témoins qui reçoit lui des cours d’éducation à la santé à distance, selon le même rythme de 32 séances à raison de 2 fois par semaine pendant 1 h.

Qu’anticipez-vous comme résultats ?

On veut prouver l’efficacité de cette activité physique et son impact sur le cerveau. D’après les résultats en cours, on sait déjà que cette activité physique a des effets sur les symptômes. Il semble qu’on ait aussi des effets bénéfiques de l’éducation à la santé menée dans le groupe témoin ; ce qui confirme bien que le simple fait de s’occuper des patients améliore leur bien-être et leurs symptômes !

Qui finance cette recherche ?

Cette recherche sur l’activité physique est cofinancé par l’Union européenne, la Région Normandie dans le cadre du programme opérationnel FEDER/FSE 2014-2020 et a reçu un financement complémentaire de la Fondation Pierre Deniker.
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