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Nicolas Franck petiteShyrhrete Rexhaj, infirmière de formation, est chercheur et professeur à l' Institut et Haute Ecole de la Santé La Source, à Lausanne.

Elle a développé un programme innovant de prise en charge des proches des personnes souffrant de troubles psychiques : le programme Ensemble.

Elle est également présidente de l’association suisse L’Ilot et membre du CA du Collectif Schizophrénies.

Interview réalisée en février 2020

 

Shadya MonteiroShyhrete Rexhaj était accompagnée de Shadya Monteiro, infirmière dispensant à Lausanne le progarmme Ensemble

Pourquoi vous-intéressez-vous aux proches des personnes souffrant de troubles psychiques ?

Quand je travaillais comme infirmière aux urgences psychiatriques, je recevais des appels d’urgence de patients et de proches et j’ai été contrariée et gênée de la façon dont on recevait les proches, je trouvais qu’on les laissait en souffrance.
Pendant mes travaux de thèses, le pouvoir d’agir des proches est un concept m’a beaucoup interrogée : comment rendre justice à toute l’expertise qu’ils ont et tout ce qu’ils ont développé indépendamment des professionnels de santé ?
Si les proches ne sont pas soutenus, il y a une perte d’empathie vis-à-vis de la personne malade, voire un effondrement.
Ils ont rôle très important dans le rétablissement du patient.
Déjà dans la détection des troubles. C’est les premiers à se rendre compte qu’il y a une difficulté chez le patient. Ils ont un rôle dans l’engagement du patient dans les soins. C’est eux, souvent, qui vont faire le transport, tout simplement, accompagner le patient chez les psychiatres ou pour faire une prise de sang. Ou faire des tâches quotidiennes avec le patient.
Donc, pouvoir renforcer leur pouvoir d’agir, c’est donner aussi du pouvoir au patient et surtout, soutenir le processus du rétablissement du patient.


Comment est né le programme Ensemble ?

La genèse du programme Ensemble a démarré en 2013, au moment où je me suis inscrite en doctorant à l'Institut universitaire de formation et de recherche en soins. Je voulais faire une thèse pour savoir comment mieux accompagner les proches aidants et les aider à mieux faire face au quotidien dans les conséquences des troubles psychiques. Durant ma thèse, j’étais en contact avec des proches aidants de l’Association l’Îlot, des professionnels de santé car je travaillais comme infirmière dans le département de psychiatrie du CHUV. Collectivement, on a pu concevoir un programme qui s’appelle le programme « Ensemble ».


Pourquoi ne pas repartir de programmes de psychoéducation existants ?

Premièrement, ces programmes de psychoéducation, développés dans les années 80-90 étaient centrés sur le diagnostic du patient. « Profamille », par exemple est développé pour la schizophrénie. « Ensemble », lui, va répondre aux besoins des proche-aidants indépendamment du diagnostic du patient. De plus, ces programmes sont souvent standardisés, c’est-à-dire que les objectifs des séances sont réfléchis à l’avance. Vu que c’est adressé à un groupe, leur intérêt est de répondre aux besoins du groupe le plus possible. Alors que le programme « Ensemble », comme c’est du sur-mesure, il va à la rencontre du proche-aidant, de ses difficultés, de ses émotions, de ses ressources et propose un soutien vraiment individualisé. Donc, ce ne sont pas des rencontres standards ou des objectifs définis à l’avance.

Qu’est-ce que ça veut dire exactement un programme sur mesure ?

Ce programme, en fait, a été basé sur des recommandations scientifiques. Et il est recommandé d’aider le participant indépendamment de son profil ou du diagnostic du patient, de l’aider à progresser en compétences ou dans sa manière d’agir ou de faire face et aussi de mobiliser ses propres ressources. Parfois, on a des ressources, vraiment qui sont là à mobiliser, mais qu’on oublie dans les phases de crise. Ce qui a été constaté, c’est que les besoins ou difficultés exprimés par les proches sont très divers, certains vont vouloir améliorer la communication avec leur proche mais souvent les problèmes sont tout autres et très loin du patient : difficultés dans le couple, sexualité, isolement…. Les situations varient aussi car peuvent participer les parents, mais aussi des frères et sœurs souvent oubliés des programmes de psychoéducation. Et aussi des enfants qui arrivés à l’âge adulte, font appel au programme « Ensemble » pour dire, « Mais nous, qui s’occupe de nous ? ». C’était très intéressant de l’adapter à différents profils.
Précision de Shadya Monteiro : Nous, en tant qu’accompagnant, on va aussi réfléchir en équipe avec une supervision à comment aider le participant, comment choisir sur-mesure les exercices qui vont lui être prescrits en fonction de la manière dont il a l’habitude d’apprendre ou de fonctionner.
Individualiser ou sur-mesure, ça veut dire aussi que s’il y a plusieurs membres de la famille qui veulent participer, ils vont participer de manière individuelle.

En quoi consistent les séances du programme « Ensemble » ?

Réponse de Shadya Monteiro 
Le programme comprend cinq séances qui durent environ une heure, espacées au maximum de deux semaines pour garder quand même le participant dans l’activité du programme. La première séance est un temps qu’on appelle d’évaluation, on rencontre la personne, on identifie avec elle ses besoins et ses difficultés, ses émotions douloureuses et ses ressources sociales. Et puis, ensuite, les séances 2,3,4 font le gros du programme sur le soutien. On va adapter les informations, l’orientation, les exercices. en fonction des besoins de la personne. On va proposer des exercices pour gérer les émotions douloureuses autant que pour analyser les problèmes de la vie quotidienne, et on va les orienter vers des structures qui peuvent les aider. Il y a un temps entre les séances qu’on appelle intercession : dans ces temps on se montre disponible pour les participants par téléphone ou par message, on leur propose de réfléchir à quelque chose, une problématique qui leur tient à cœur ou de faire un exercice. Lors de la cinquième séance, on fera le bilan de ce qui a été travaillé pendant les cinq séances et puis on planifiera la suite. C’est-à-dire que c’est vrai que l’on a cinq séances, mais l’idée n’est pas d’abandonner les gens, c’est d’offrir toujours un soutien disponible en fonction de leurs besoins, s’ils ont besoin d’un autre rendez-vous, d’un rendez-vous téléphonique, peu importe. On s’adapte vraiment à la personne

Le programme « Ensemble » a fait et fait l’objet d’une recherche. Qu’est-ce que vous avez montré, qu’est-ce que vous cherchez à démontrer ?

Durant l’étude pilote, pendant mes travaux de thèse, le programme a démontré que la santé psychologique de proches (dépression, anxiété) a été améliorée. De plus, les proches étaient davantage optimistes pour leur avenir et celui du patient. Il y avait aussi des résultats qualitatifs, avec une amélioration de la relation entre le proche et le patient. Basée sur ces résultats, une recherche de plus grande envergure est en cours pour pouvoir démontrer l’efficacité du programme « Ensemble » pour améliorer la santé des proches mais aussi leur optimisme, alléger leur « fardeau », cette charge qu’ils peuvent ressentir, et voir comment le programme soutient leur qualité de vie. Il y a une mesure qui a été ajoutée qui concerne le patient, ses relations et sa vie sociale et quotidienne.

Qui finance cette recherche et pour quelle durée ?

Il s'agit du Fonds National Suisse de la recherche scientifique qui finance à la fois des recherches fondamentales et cliniques. Mon projet s’inscrit dans la recherche clinique. Le montant est de 675 000 Francs suisses ( 630 000 €) sur quatre ans. Donc, c’est quand même un projet de grande envergure, dans la durée également. Ca m’a permis d’engager dans le projet trois assistants qui font l’intervention et les évaluations. Par ailleurs, on est deux investigateurs, je suis l’investigatrice principale et mon collègue Prof. Jérôme Favrod est co-investigateur du projet..
Au niveau de l’équipe des chercheurs, ce qui est intéressant, c’est que le projet est porté par des infirmiers. Le programme est donné par des infirmier(ère)s ou des psychologues ou des assistants sociaux. Ce n’est pas un programme qui est dirigé ou initié par des psychiatres ou des médecins. Toutefois, une collaboration étroite avec Prof. Charles Bonsack, médecin chef, durant ma thèse a eu lieu, il était mon co-directeur de thèse. Et, Prof. Claude Leclerc, PhD, infirmier, était mon directeur. Tous les deux avaient une expertise dans l’accompagnement des proches de longue date, ce qui m’a permis de bien orienter mes travaux.

Où peut-on suivre le programme « Ensemble » ?

En Suisse, premièrement nous sommes dans un dispositif de recherche. A l’Institut et la Haute école de Santé de la Source, on propose « Ensemble » dans ce dispositif. Ensuite, il peut être dispensé à l’Espace proches, qui est un espace à Lausanne pour tous les proches - ça peut concerner les proches d’un enfant handicapé ou d’une personne âgée. Ensuite, il peut être dispensé dans un service de santé mentale comme le service de psychiatrie communautaire ou le service ambulatoire, voire à l’hôpital s’il y a des personnes formées.
En France, je suis en collaboration avec une équipe à l’Université Aix-Marseille.
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