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Changer la façon de décrire la schizophrénie ? 

changement de nom

Le lancement d'une réflexion nationale sur le vocabulaire de la schizophrénie provient du croisement de plusieurs réflexions concommitantes détaillées ci-dessous : celle du Collectif Schizophrénies, celle du Centre Collaborateur de l'OMS en France (CCOMS) qui s'ajoutent à celles d'autres acteurs, usagers (dont certains comme REV refusent le diagnostic de schizophrénie) et psychiatres, qui sont de longue date partagés sur l'intérêt de donner ce diagnostic.
Nous pensons que la conception, le nom et les critères de la schizophrénie doivent être réfléchis aujourd'hui collectivement pour que la maladie soit mieux compréhensible et acceptable par tous.

L'organisation de cette réflexion avance

Plusieurs réunions et journées de concertation organisées par le CCOMS, incluant associations d'usagers et pair-aidants, psychiatres (AJPJA, EPSM Lille Métropole, CH Le Vinatier, CH de la Chartreuse, GHU PARIS psychiatrie Neurosciences, CNUP etc..),  chercheurs (historien, anthropologue, psychologue...) ainsi que notamment le Psycom et la DGS,  ont été organisées depuis 2018. Le Collectif Schizophrénies à la fois directement et à travers deux de ses associations membres (Schizo Oui et Schizo Espoir) est très représenté dans ce groupe de travail.

Lors de la dernière réunion qui s'est tenue le 13 mai 2020, une synthèse d’articles internationaux relatifs au changement de nom ont été sélectionnés par F. Askevis-Leherpeux (CCOMS) et N. Belot (CELSA) en vue d’alimenter les échanges.
Le groupe de travail va s’attacher à l’écriture collective d’un cahier des charges servant de guide à l’élaboration d’un(de) nouveau(x) terme(s)restituant la pensée du groupe et de l’ensemble de ces membres.

Le but est de présenter le contenu de ce cahier des charges finalisé lors d'une Journée nationale organisée sur ce changement de nom/ de conception dans le courant de l'année 2022.

Mais la pandémie de COVID et les restrictions sanitaires qu’elle implique ont conduit le CCOMS à proposer au groupe des réunions à distance, sous forme de visioconférences.


Organisation de webinaires ouverts à tous

Afin de nourrir et d’élargir la réflexion du groupe de travail et de favoriser un large débat public, le CCOMS a proposé aux participants de conserver ce format de réunion, en programmant 3 webinaires ouverts au public, réunissant chacun 2 à 3 intervenants selon 3 thématiques :
- Perspective socio-anthropologique qui s'est tenu le 12 mars 2021 : voir le compte-rendu
- Propositions des psychiatres et perspectives de changements relatifs aux nouvelles classifications 14 avril 2021: voir le compte rendu
- Propositions des usagers et des familles 9 juin 2021 :  voir le compte rendu

A l'origine de ces travaux, le croisement de plusieurs réflexions

Courant 2018, le Collectif Schizophrénies a commencé à envisager une action en faveur d'un changement de nom de la schizophrénie

De façon historique et jusqu’à maintenant, les différentes associations ont pris le parti d’afficher le mot dans leur nom et de revendiquer son utilisation : Schizo Oui, Schizo Espoir, Schizo Jeunes... et Collectif Schizophrénies.
En effet : 
À partir du moment où le terme correspond aux classifications diagnostiques existantes, ne pas nommer la pathologie reviendrait à maintenir un flou sur sa réalité et à occulter les caractéristiques spécifiques de ces troubles en les noyant dans des appellations relativement confuses comme maladie psychique. 

Plus fondamentalement, les associations ont considéré jusqu'à maintenant que ne pas nommer la maladie contribuait à la stigmatisation des patients, en accréditant l’idée que la schizophrénie est un mal tellement honteux et terrible qu’il en est innommable. Il nous paraissait donc difficile de se passer du mot qui sert de référence.

Cependant, plusieurs facteurs nous amènent aujourd'hui à considérer les choses de façon différente 

Le premier est la publication de plusieurs études scientifiques, articles et ouvrages récents interrogeant la pertinence du concept de schizophrénie. C’est dans cette perspective que déjà, le collectif Schizophrénies avaient décidé d’écrire le mot au pluriel, pour marquer les limites d’un terme dont on sait aujourd’hui qu’il recouvre des expériences et des symptômes très variables, et très probablement des troubles de nature distincte.

Le second est le sentiment de ne pas avancer vraiment dans la lutte contre la stigmatisation malgré tous les efforts menés depuis des décennies pour informer et donner une image plus juste de la maladie.

Notre étude lexicologique sur la représentation de la schizophrénie dans la presse a montré qu’un des ressorts de la stigmatisation provenait de la confusion avec la double personnalité (validée dans l’usage courant) et de son association à la manipulation et à la dangerosité. Or entendre ou lire l’emploi du mot schizophrène dans ce sens de « double » déborde le cadre de la presse et s’observe continuellement et partout, dans le monde politique, sur les réseaux sociaux et jusque dans les cours de récréation.

Lutter contre cet usage courant semble vain et le Collectif Schizophrénies se demande donc si le succès très important du terme dans son sens métaphorique n'est pas devenu un obstacle irrémédiable à la compréhension des troubles et de ceux qui en souffrent.

A l'occasion de la révision de sa classification diagnostique (CIM11), l'OMS a réalisé une étude sur la schizophrénie dont les résultats vont dans le sens d'une redéfinition du terme. 

Des personnes ayant eu un diagnostic de schizophrénie et des membres de leur entourage de 15 pays très différents en termes de culture et de système de soins (Algérie, Canada, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Inde, Italie, Liban, Lituanie, Madagascar, Maroc, Mauritanie, Mexique, Royaume Uni) ont été interrogés sur les critères diagnostiques de la schizophrénie.

Les résultats montrent l'ampleur des difficultés posées par les termes utilisés : 

Seuls 1/10e des malades utilisent le terme de schizophrénie pour parler de leur maladie à leur entourage. Le terme schizophrénie est stigmatisant en soi et n’est pas utilisé par les personnes et les familles, qui sont obligées de recourir à des circonvolutions pour présenter la maladie comme "difficultés", "fatigabilité" etc.

Le mot schizophrénie comme les mots utilisés pour énoncer les critères ( « comportement grossièrement désorganisé », « états délirants persistants », « troubles psychomoteurs ».. ) ne facilitent pas, au contraire, la relation thérapeutique entre professionnels et patients. Les mots ne sont globalement pas compris, pas acceptés car perçus négativement comme un jugement de valeur.

♦ Les patients et leurs familles
disent exactement la même chose.  

L’incompréhension des termes n’est pas un déni : les troubles sont bien identifiés mais les mots utilisés ne correspondent pas à l’expérience vécue.

Ces conclusions incitent à reformuler le diagnostic et à changer de paradigme, avec des termes plus neutres, plus acceptables, plus compréhensibles. Par comparaison, la même étude menée pour la dépression a donné des résultats très différents : les mots pour décrire les troubles (même négatifs) sont considérés au contraire ici comme adéquats par les personnes concernées.


C'est la convergence de ces interrogations qui a conduit à une première réunion entre le Collectif Schizophrénies et le CCOMS pour échanger sur l'éventualité d'un réflexion en commun, avec tous les acteurs concernés, à un changement de nom de la schizophrénie. 

L'idée d'un changement suit son chemin dans l'univers de la santé mentale

La Fondation Deniker a publié en mars 2019 une étude sur les usages du terme schizophrénie sur les réseaux sociaux, qui rejoint nos conclusions.  
« Les réseaux sociaux, dès que l’on sort du champ expert, celui des patients et des soignants, confirment la grande confusion sémantique qui règne autour de la schizophrénie. Le terme est malheureusement utilisé bien souvent, particulièrement dans le champ du politique, pour stigmatiser voire insulter. »
>> En savoir plus sur cette étude : https://www.fondationpierredeniker.org/etude-schizo
 
Le débat a déjà fait l'objet de plusieurs relais dans les médias, comme par exemple dans Nice Matin

A suivre...


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