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Charlotte, 27 ans, a été diagnostiquée schizophrène en décembre 2017 lors de la dernière de ses trois hospitalisations. Elle souhaite mettre en avant l'importance de l'assiduité de la prise de traitement et l'acceptation de la maladie. Elle raconte aussi son quotidien partagé entre son travail à mi-temps et des relations distantes avec sa famille et ses amies.

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Comment s’est passée votre entrée dans la maladie ?

J’ai souffert d’anorexie à 15 ans et je pense que j’aurais dû avoir un premier suivi psychologique à ce moment-là, car par la suite j’ai plus ou moins fui et pensé que c’était derrière moi. J'ai été hospitalisée en 2015 alors que j'avais 23 ans et que j'étais en cours à Tahiti. J'ai fait une bouffée délirante aigüe après avoir consommé du cannabis, être tombée sur le crâne et eu le chikungunya. Les médecins ont établi que c'était un évènement isolé, ce qui n’était pas le cas. J'ai arrêté le traitement six mois après comme cela était prévu avec le psychiatre. J'ai fait une rechute deux mois après l'arrêt du traitement et j'ai à nouveau été hospitalisée.

J'ai donc repris le traitement pendant deux ans et demi. Je l'ai à nouveau arrêté en janvier 2018 avec l'accord de mon psychiatre. J'ai fait une rechute en septembre dernier alors que je suivais une formation d'un mois, en logeant sur place. La rechute s'est faite sur un mois et j'ai été hospitalisée en octobre sous contrainte à Rouen. J'ai été diagnostiquée schizophrène en décembre avant de sortir.


Comment s'est déroulée votre première crise ?

J’étais à Tahiti pour les études et je me suis isolée petit à petit sur une durée d’un mois environ. Je suis végétarienne et ça m’a valu d’être moquée et mise à l’écart. J’allais tout les jours nager seule car je n’avais pas réussi à avoir un stage pour finaliser mon master. J’ai sombré dans l’isolement et je délirais de plus en plus jusqu’à arrêter de manger et rester alitée.

Le diagnostic est-il arrivé rapidement après la première crise et dans quelles conditions ?

Malgré les voix, les médecins n’ont pas émis de diagnostic et ont parlé d’un évènement isolé, puis d’une rechute.


Les rencontres avec les psychiatres, comment se sont-elles déroulées ?

J’ai d’abord été hospitalisée à Tahiti pendant une dizaine de jours avant d’être transférée à Bayeux. Les médecins de Tahiti disaient que j’allais sortir rapidement. J’ai finalement été hospitalisée deux mois à Bayeux. 

C’est en septembre dernier, lorsque j’ai vu que les symptômes revenaient et que j’ai contacté ma psychiatre de Caen, que j’aurais aimé plus de prise en charge car elle n’a pas réalisé plus que ça que j’étais en rechute (alors que je lui disais). J’ai vraiment eu le sentiment d’aller mieux et d’avoir été aidée en sortant de l’hôpital après le diagnostic, en décembre 2018. En effet, quand j’étais à l’hôpital, je pense que j’étais encore trop mal pour comprendre que je devais y rester. Le pire sentiment d’enfermement a été au Rouvray, à Rouen, car il n’y avait rien pour se divertir ou réfléchir sur place. J’avais le sentiment de perdre mon temps et que je ne m’en sortirais pas si je ne pouvais pas être sollicitée intellectuellement. J’ai alors commencé à lire et à dessiner pour me sentir mieux.


Comment sensibiliser les futurs psychiatres à cette maladie, selon vous ?

Je pense qu’il ne faut pas avoir peur du diagnostic, quitte à revenir dessus par la suite. Je me trompe peut-être mais je pense que la maladie est encore trop diabolisée et que les médecins ont peur d’en parler. Cela créé une peur chez le patient et son entourage qui ne fait qu’aggraver l’exclusion.

D’autre part, je pense que de mettre en place des ateliers culturels et sportifs pourraient favoriser la rémission et la reconstruction. Les malades ont besoin d’être sollicités pour prendre confiance en soi, reconnecter avec les autres et se préparer à sortir de milieu hospitalier.

Quel traitement suivez-vous aujourd'hui ?

Je prends de l’Abilify en injection mensuelle depuis janvier. Je l’avais déjà pris pendant 2 ans. Le traitement fonctionne bien et je n’ai pas d’effet secondaire. Je pense que j’avais pris du poids en 2017 et c’est vrai que je mange moins aujourd’hui, ce qui peut expliquer que je n’ai pas repris de poids cette année.

Le traitement m’aide beaucoup et je vois la différence en fin de dose lorsque l’angoisse revient. L’acceptation du diagnostic a été difficile au tout début mais très rapidement je l’ai assumé et j’en ai parlé autour de moi. Pour moi, c’est fondamental pour aller mieux et se reconstruire. C’est comme mettre un mot sur une souffrance et la reconnaître. Aujourd’hui, j’ai d’ailleurs le projet de faire un court métrage sur la maladie.

Quel est votre rapport au travail ?

J’ai dû changer de poste suite à l’hospitalisation, pour un poste moins stressant, et je viens de terminer ma période de mi-temps thérapeutique pour reprendre à temps plein. Le fait d’être assise devant un bureau en permanence est difficile pour se concentrer. C’est une difficulté que je rencontrais déjà par ailleurs. Mais je commence à me sentir plus à l’aise pour organiser mon travail. J’ai eu des doutes à savoir si je voulais continuer dans ce domaine ou non, et éventuellement changer pour un emploi plus dynamique comme enseignant.

Quelles sont les difficultés créées par la maladie dans votre vie quotidienne ?

Je pense que la principale difficulté que je rencontre est la solitude, qui est à la fois une cause et une conséquence de la maladie. J’essaye de me sociabiliser avec le théâtre et j’ai le projet de reprendre la musique avec une association de jazz.


Quelles sont vos relations avec vos proches ?

Je n’ai pas beaucoup de lien avec ma famille et mes amis. Ils me soutiennent car ils ne me jugent pas et comprennent ce que j’ai traversé mais je trouve nos rapports très superficiels. Finalement, je vois davantage les gens que j’ai rencontrés par le théâtre sur Rouen. Ma mère me dit que le diagnostic peut évoluer mais j’ai l’impression qu’elle essaye de se rassurer en disant ça. J’ai justement besoin que l’on reconnaisse ma maladie pour avancer. On ne parle quasiment jamais de la maladie et ils agissent comme si elle n’existait pas. Le fait que j’entretienne des liens très superficiels avec ma famille m’a toujours rendu triste et c’est un sujet qui revenait lors de mes crises. J’ai toujours eu le sentiment d’être « abandonnée » par ma propre famille et ne pas être digne de leur intérêt.


Qu'est-ce qui vous a aidée jusqu'ici pour affronter cette maladie ?

Le théâtre m’a permis de me sociabiliser en arrivant sur Rouen et aussi d’extérioriser mes émotions. J’ai le projet de réaliser un court métrage sur la maladie et l’hospitalisation pour éventuellement permettre à d’autres malades de s’exprimer, sensibiliser le grand public et aussi matérialiser mon expérience pour y faire face.


Auriez-vous quelques conseils à donner ?

Si j’avais des conseils à donner, le premier serait de bien suivre son traitement. Le deuxième est de s’appuyer rapidement sur les professionnels compétents pour nous accompagner si l’entourage ne suffit pas. C’est important de s’ouvrir aux autres et de parler lorsque l’angoisse revient. J’ai eu la chance d’être écoutée et accompagnée au travail et je sais à présent que j’ai un lieu d’écoute si besoin. Je sais aussi qu’il y a des associations comme le groupe d’entraide mutuelle qui permettent de rencontrer d’autres malades et de participer à des activités culturelles en groupe.

Enfin, le troisième conseil est d’assumer la maladie et de ne pas oublier que l’on est des êtres humains qui ont besoin de se divertir et d’être heureux. Dans la mesure du possible, on peut essayer de trouver ce qui nous rend heureux et nous motive pour réussir à faire face à la maladie à travers une activité, des sorties, un voyage ou un emploi. Elle sera toujours présente, il est donc nécessaire de prendre le temps de l’accepter et prendre ainsi confiance en soi.

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