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BoucletteBonjour, je me surnomme Bouclette, je suis trentenaire, un peu photographe, un peu angoissée, très isolée socialement et je souffre de schizophrénie.

NDLR : Bouclette tient le blog : Ta gueule Boris  : " le blog sur la schizophrénie sous forme de bande dessinée​. BD teintées de psychiatrie, d'humour et de café".


Vous avez lancé un blog sous forme de bande-dessinée qui s’appelle « Ta gueule Boris ». Pourquoi avoir choisi ce nom ?

J’ai appelé ma maladie ‘Boris’ pour la dédramatiser car c'est un prénom que je trouve sympathique. J'ai nommé mon blog « Ta gueule Boris » car elle m'agace bien souvent et c'était une façon d’évacuer le stress et de dire zut à la maladie. J’ai envie de la chasser de ma vie mais je dois vivre avec. J’ai tout simplement eu envie de pousser un grand « ta gueule ».

Pourquoi avoir créé ce blog ?

Quand j’ai créé le blog voici 5 ans, je voulais le faire pour m’exprimer car je souffrais de rejet social et essayer de communiquer par un blog était comme jeter une bouteille à la mer.
Je voulais également démonter tous les clichés attachés à la schizophrénie, en commençant par le plus répandu d'entre eux : le fait que la schizophrénie soit reliée à la double personnalité.
Il ne faut pas oublier que les idées fausses sur cette maladie entretiennent le rejet et l'isolement des personnes qui en sont atteintes.

Le dessin est clair et très léger, en contraste avec cette maladie handicapante. Où avez-vous appris à dessiner ?

J'ai commencé à gribouiller toute seule à 14 ans puis j'ai arrêté tous mes hobbies après être tombée malade. J'ai recommencé le dessin en créant ce blog.

Comment dessinez-vous et à quelle fréquence ?

Je dessine sur une tablette. Avant je faisais une BD par semaine, maintenant je poste à un rythme moins soutenu car c'est épuisant.

Quand vos symptômes sont-ils apparus ?

Adolescente, j’ai commencé à être de plus en plus isolée, à avoir des idées farfelues et à être mal dans ma peau. Puis, à 18 ans, sont apparus les premiers symptômes. Comme je suis la seule personne souffrant de schizophrénie dans la famille, personne ne se doutait que c’était un problème psychiatrique. Mes parents m’ont finalement amenée voir un psychiatre qui a dit : « C’est de l’angoisse, prenez des médicaments ». Imaginant donc qu'essayer de me détendre suffirait, je ne suis pas retournée le voir et je n'ai plus été suivie.
A 21 ans, deuxième crise. La psychiatre que j’ai rencontrée m’a prescrit des médicaments mais sans me donner de diagnostic, sans doute pour ne pas perturber la poursuite de mes études. Elle aussi m’a dit : « Vos soucis sont liés au stress, prenez vos médicaments ». Encore une fois, je ne suis pas retournée la voir, imaginant que ce n’était toujours « que » du stress et j’ai arrêté mes médicaments.
Puis, plus tard, je suis allée voir un autre psychiatre qui m’a dit : « Vous n’êtes pas malade, car les malades mentaux sont arriérés et vous n’êtes pas arriérée ». Inutile de vous dire que je ne suis pas retournée le voir et que je me suis dit que j’arrêterais de consulter des psychiatres.

Et pendant ce temps-là, vous arriviez à poursuivre vos études ?

Au début j’ai été déscolarisée, puis j’ai repris les études mais j’avais énormément de mal, c’était catastrophique. Je m'effondrais en pleurant tous les soirs. Je me posais beaucoup de questions. Je ne connaissais pas la schizophrénie donc je ne me doutais pas que j'en souffrais. Je me sentais inférieure car on me disait que j’avais les mêmes capacités que les autres étudiants et pourtant j’avais plus de difficultés à supporter le rythme de travail qu'eux. Je voyais qu'il y avait une nette différence entre eux et moi mais je n'en comprenais pas l'origine.
J’étais épuisée par les études et j’avais des hallucinations. Je me rappelle avoir lu qu’en cas d’extrême fatigue, on pouvait avoir des hallucinations. Ne connaissant pas la schizophrénie, je me suis dit que j’étais juste très très fatiguée et que ça arrivait peut etre aux autres aussi.

Estimez-vous que c’est une chance d’avoir pu finir vos études ou pas ?

D’un côté, le fait de ne pas avoir de diagnostic m'a forcée à finir mes études et avoir un diplôme. De l’autre côté, je n’ai pas été soignée assez tôt. Il a fallu quatorze ans pour qu'on me donne un diagnostic et j’ai des problèmes cognitifs assez importants. Il faut savoir que plus on a de crises, plus on a de déficits cognitifs. Par exemple, j’ai maintenant beaucoup de difficultés à déchiffrer des textes.
Vu ma condition actuelle, je ne peux pas travailler malgré mes études réussies.
Je regrette d'avoir dû faire passer mes études avant ma santé car si j'avais été diagnostiquée à temps, j’aurais pu être soignée, dirigée vers des centres de santé, me reposer et avoir donc moins de séquelles et un rétablissement plus rapide. J'aurais pu être dans l'apaisement beaucoup plus tôt.

Quand avez-vous eu un diagnostic ?

Tard, à 32 ans. J’ai eu une très grosse crise donc hop retour à la case psychiatre, et c’est la psychiatre qui m’a reçue qui m’a diagnostiquée. J’ai ensuite regardé des documentaires sur la maladie, je me suis informée. Je me suis aperçue que le stress entraînait les crises, et c’est à ce moment-là que j’ai pu adapter ma vie à la maladie et j'ai eu le traitement qu'il fallait.

Suivez-vous toujours un traitement ?

Bien sûr, ma psychiatre a trouvé un médicament adapté. J’ai des rendez-vous médicaux chaque semaine. Je fais de mon mieux pour ne pas replonger dans l'enfer que j'ai connu.

Avez-vous d’autres occupations ?

Je me suis remise à la photographie. J’ai très peu d’amis. Comme j’étais un peu paranoïaque avant le diagnostic, mes amis et connaissances se sont éloignés. J’ai toute une vie sociale à refaire.

Des personnes vous ont-elles aidé quand vous avez traversé des moments noirs ?

Je ne pense pas avoir eu beaucoup de soutien.
Avant le diagnostic on ne me soutenait pas car on me disait que je n'avais rien de pathologique, donc pas de quoi me plaindre. Après le diagnostic on ne m'a pas soutenue non plus, cette fois-ci à cause du manque d'information et des clichés qui véhiculent autour de cette maladie.
Par contre j'ai fait la rencontre de gens formidables sur internet qui, eux, me soutiennent plus que mon entourage direct.

Est-ce que votre blog porte un message ?

Oui, j’essaie de rendre espoir aux personnes souffrant de schizophrénie. La schizophrénie est une maladie handicapante mais il ne faut pas entendre par là que la vie est fichue. On peut se rétablir, même si ça prend parfois un peu de temps.
Se serrer les coudes est essentiel.
En parallèle je trouve ça important de déstigmatiser la maladie et combattre les clichés car ils nous affectent directement à plusieurs niveaux. Essayer d'aller mieux et d'accepter la maladie est une chose, mais si l'entourage, lui, ne vous accepte pas, ça coince.



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