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Nicolas souffre d’une schizophrénie depuis plus de 20 ans. Il a connu une première hospitalisation extrêmement traumatisante, avec camisole et contention, dont il se souvient encore avec douleur. Très actif sur les réseaux sociaux, il veut témoigner de sa différence pour changer le regard sur ces maladies. 

Quand et comment avez-vous su que vous souffriez de schizophrénie ? 

J’ai été diagnostiqué très tard, malgré plusieurs arrêts de travail d’une durée moyenne d’un an, le temps que mon esprit se remette de ses émotions. J’ai été conducteur de car pendant presque quinze ans. Le mot schizophrénie n’a été posé par un professionnel qu’il y a trois ou quatre ans … Mon entourage et moi le savions, mais je n’étais pas prêt à l’admettre très certainement. J’ai à ce jour 42 ans et j’ai été suivi par trois psychiatres durant ces vingt-trois années d’errance médicale.

Et quand aviez-vous connu de premiers symptômes ?

J'avais 19 ans, presque 20 je crois, et l'idée d'entrer dans la vie active me terrifiait tellement que je n'y pensais pas à cette époque ... Je préférais rêver et penser plutôt que vivre en adéquation avec cette société bizarre !
Un jour, la réalité a rejoint la fiction quand un personnage illusoire m'a initié par télépathie à la philosophie alchimique. J'étais dans ma chambre, à l'aise, et vraiment sans danger pour moi ou les miens ! Je me suis donc isolé pour vivre ce mysticisme, un changement radical mais puisque ma mère n'aimait pas mes copains, je me disais que c'était très bien comme ça...
Puis mon père me voyant isolé de mes amis, dans ma chambre, à être différent du jour au lendemain, m'a emmené chez le médecin de famille. Je lui ai confié naturellement ce bonheur que je voulais partager en toute confiance et même à toute la planète. Le docteur m'a répondu ironiquement : "Je vais t'emmener voir des hommes en blanc, tu vas voir ils sont sympathiques…". C'était vraiment honteux pour un docteur d'employer un tel vocabulaire. Mais comme je nageais alors dans le bonheur ... j'ai dit ok !

Comment avez-vous vécu votre première hospitalisation en hôpital psychiatrique ?

Quand je suis arrivé en consultation à l’hôpital, mon cerveau s’est bloqué. Je ne pouvais plus mettre un mot devant l’autre devant cette personne en blanc qui allait m’emprisonner par la suite : mon corps l’avait donc deviné !
Le psychiatre s’est levé, a ouvert la porte devant mes yeux détruits par l’atmosphère et a dit d’un ton grave à mes parents : « On le garde ! ». C’était certainement sa victoire du jour, j’étais sa proie ! C’est mon ressenti, même à ce jour !
Puis c'est devenu l'enfer par l'isolement et l'attachement à mon lit, par l’incompréhension des infirmiers ... Puisque je ne voulais pas être enfermé, je voulais sortir, alors j’ai été attaché à mon lit avec des sangles marron et avant cela on m’a mis la camisole pour me « calmer » ; j’étais d’autant plus énervé, mais la douleur a fini par l’emporter. J’étais donc immobilisé.

Que s‘est-il passé à votre sortie de l'hôpital ?

Je ne posais pas de questions sur les institutions à l’époque. J’ai comme on dit tracé la route.
Le seul accompagnement proposé à la sortie de l’hôpital est un suivi en CMP tous les 6 mois trente minutes, ce que j’ai effectué en trainant les pieds … J’ai toujours vu un psychiatre plusieurs fois par an quelques minutes, et mes parents, très présents, me demandaient toujours à la sortie : « Et qu’est-ce qu’il a dit ? ». Je me demande toujours si c’est bien important, car les psychiatres sont peu compréhensifs ; Pendant une consultation, il faut bien dire ce que le psychiatre veut entendre sinon ce sont les chaînes assurées.

Comment votre famille vous accompagne-t-elle depuis les premiers temps de votre maladie ?

Mon père, ma mère et ma grand-mère ont été très présents et le sont encore à ce jour, épaulés par ma conjointe que je connais depuis 18 ans. Sans eux ce serait très difficile.
Quand je suis tombé dans cette sorte d’inconscience permanente, mon père et un de mes oncles m’ont veillé plusieurs jours comme on veille un mort ; et c’est toujours grâce à cette grande patience que je m’en suis sorti par moi-même : il fallait que ma volonté se forge petit à petit pour sortir la tête de l’eau.
Ce qui est important, c’est que mon entourage a toujours cru en moi et c’est par mimétisme que je me suis construit donc … Cette « pathologie » et surtout le petit traitement médicamenteux que je prends tous les jours m’handicapent énormément par la fatigue, il y a des effets secondaires etc., je suis hyper sensible donc ce traitement me tue à petit feu. Je n’en veux pas à mes parents, ils ont fait confiance à la société, aux institutions ...
J’ai plutôt été soigné par la patience de mes parents … je ne les remercierai jamais assez de cette attente qu’ils ont vécue et vivent encore parfois dans l’angoisse et la nostalgie, de ces moments très difficiles pour eux en voyant leur fils unique trop différent du fait du regard de la société …
D'un autre côté j'ai fait ma vie, fondé une famille avec trois merveilleux enfants de 15, 13 et 11 ans ; j'ai construit ma maison avec ma conjointe ; bref, j'ai tenté de vivre au mieux.

Avez-vous connu d'autres hospitalisations ? Comment se sont-elles passées ?

J’ai connu trois ou quatre autres séjours car j’étais dans un état intérieur intense que mon entourage ne comprenait pas non plus. J’arrive toujours à reprendre le dessus car je fais toujours le choix de la vie et du bon sens. A chaque fois, je n’y suis resté qu’une à deux semaines et pas plus, mon père me voyant retrouver mes esprits me faisait sortir de cette galère, dont pourtant il avait lui-même signé l’embauche.
Je peux évoquer ma dernière hospitalisation en 2013, quoique j’aie failli vaciller il y a un ou deux ans au décès du cousin de ma femme : c’est toujours un événement qui survient violemment qui peut me faire emprunter « un chemin d’infortune »…
Donc ma dernière hospitalisation en 2013, eh bien c’était toujours le même refrain qu’au début du siècle : Incompréhension totale ! Les pompiers sont venus à sept ou huit, ils m’ont attrapé violemment et m’ont attaché à un brancard direction les urgences, où je suis resté plusieurs heures à surveiller mon cœur, pour qu’il ne s’emballe pas jusqu’à l’arrêt tellement le choc pour moi a été violent ! Dans l’ambulance qui m’a ensuite conduit à mon lieu de séjour, je me rappellerai toujours de cet ambulancier qui a entendu ma première parole compréhensible tellement je souffrais, c’était pour me desserrer un cran de ces sangles marron qui me faisaient horriblement souffrir ; je souffre encore aujourd’hui de ce souvenir, et même corporellement je ressens ces lanières de cuir m’entourer les chevilles et les poignets.

Comment parlez-vous de vos troubles à vos enfants ?

J’essaye par tous les moyens d’en parler au plus juste, mais ce n’est pas facile avec la vie de tous les jours. Ils ont leurs études ; j’essaye de les laisser tranquilles de ce côté, j’essaye de les protéger au maximum. Je préfère qu’ils découvrent petit à petit par eux-mêmes ce qu’ils sont en mesure d’absorber, car c’est une maladie très complexe.

Pourquoi témoigner est-il important selon vous ?

Depuis quelques années j’ai besoin de parler et témoigner publiquement de ce que j’ai vécu et aurai à vivre, car j’ai toujours cette épée de Damoclès sur la tête, à savoir la perte de la réalité. Je suis de plus en plus à l’aise pour partager mes hallucinations auditives et visuelles publiquement. C’est pour cela que je témoigne toujours avec plaisir, car je crois en l’évolution du regard de la société sur la schizophrénie.
Nous devons, nous, souffrants de la schizophrénie, démocratiser ce mot et en faire quelque chose de beau dans la langue française ; car nous vivons tellement l’indicible au travers de nos réalités, qu’il y a parfois des moments où c’est « Ouah, quelle beauté ! ».


A écouter, à voir  
Ma première hospitalisation  
Nicolas sur les réseaux sociaux : https://linktr.ee/a.l.c.h.i.m.i.s.t.e















 

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