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Laurent H raconte dans un manuscrit qu'il nous a confié son expérience et sa vie avec la schizophrénie, "un monde parallèle au nôtre". Nous en publions des extraits. 

La crise

Le patient atteint de ce mal éprouve au départ un dérèglement de ses rythmes biologiques, des angoisses, des peurs, une intolérance au stress, des émotions à leurs paroxysmes, des doutes ainsi que des difficultés d’adaptation lorsque la pression et le stress environnants sont plus forts que ses propres capacités à les surmonter. Alors survient le délire, qui est en fait un des moyens de self-défense du cerveau contre une folie aggravante et dans certains cas irréversible. Dans ce cas je peux en déduire que certaines schizophrénies sont curables à condition de respecter les paliers de décompression et une hygiène de vie face aux agressions dues au stress et à l’angoisse. (…)
 
Avant d’avoir été stabilisé, j’étais comme en semi-conscience. J’étais en décompensation : je délirais et hallucinais, j’apprivoisais le Dieu aux Mille Visages. Je me suis souvent senti persécuté par des visions démoniaques. Dans ces moments-là, nous sommes davantage dangereux pour nous-mêmes que pour les autres. (…)
 
Alors, j’ai cru – dur comme fer – en des choses et des sensations olfactives (odeurs de soufre près des églises, eau de Javel qui me brûlait les narines alors que j’étais seul à les sentir, odeurs de graillon écoeurantes … etc). Des déformations visuelles à tendance spirituelles alors que je n’en avais pas la culture, des visions animales telles des gens aux faces de cochons. Ainsi que des voix, tantôt divines ou humaines, comme si l’on complotait contre moi ou que la foule devinait mes pensées : il y avait comme un double message que je percevais en filigrane dans mes discussions avec autrui à des fins mystiques pour sauver « le reste ». Mégalomanie, audace, ou tout simplement reflet d’un sens mystique offert à ma vie bien trop terrestre. Bien que très atteint, je tentais d’être circonspect car, lors de ma première crise aigüe, je n’avais ni reculs ni repères et sentais bien que quelque chose ne tournait pas rond. Tout m’agressait y compris les tags sur les surfaces, les couleurs notamment le bleu qui mélangé au rose m’apaisait tout en m’émouvant … lors de ma première hospitalisation, je me souviens qu’il y avait des posters de tableaux impressionnistes encadrés dans les couloirs., j’étais comme happé par ceux-ci, comme si j’étais le pinceau vibrant de l’artiste. Les plaques minéralogiques, les enseignes des magasins, les tee-shirts des personnes que je croisais dans la rue me torturaient.
 
Dans cet état second, je pénètre un monde parallèle au vôtre. Je ne vous vois pas ni ne vous entends tel que vous êtes. Une omniscience semble poindre, tous mes sens sont décuplés, le crois-je, tout s’accélère, j’ai une soif de connaissance, j’ai une lecture obsessionnelle du dictionnaire, chaque mot s’emboite et prend une importance capitale dans cette équation sans fin et exténuante … Je crois percevoir l’indicible et l’intangible, j’anticipe certaines de vos réponses, que je retranscris de manière incohérente pour vous, hommes sensés. Je vois les recoins que tout homme s’évertue à meubler. J’entends ce que vous ne dites pas !

Avant et après le diagnostic, le suivi a été bâclé ...

Ce mal touche sournoisement simultanément 1% des hommes et des femmes dans le monde. Cet écrit n’a pas vocation à être un livre de médecine, mais il veut être une mise au point sur le regard et l’ignorance pernicieuse du monde sur nous et un soutien pour ceux qui se sentent effacés du paysage. Ce mal qui peut chez quelques-uns résulter de l’usage de cannabis puis de drogues dures. On ne le répètera jamais trop, il vaut mieux prémunir la jeunesse de cette cochonnerie qui bousille le cerveau et peut provoquer une entrée brutale dans cette maladie. Interagissant entre autre sur un neurotransmetteur, la dopamine qui génère par cet usage des délires et hallucinations …

Mon entrée brutale dans la maladie en 1999 ne s’est pas du tout produite de la même façon, car j’étais en surmenage professionnel, je venais de subir un choc émotionnel violent, conjugué à une crise post-adolescente. Epuisé physiquement et nerveusement, était-ce là la fin d’un cycle, certes il fut bruyant. Je commençais alors un nouveau millénaire à blanc.

Je n’étais qu’esprit comme passé de l’autre côté, là, la notation du temps n’était plus la même. Tout semblait être d’une pesante éternité, seul le chat des oiseaux était rassurant. Je ne le comprenais pas mais je m’appuyais sur lui, comme sur une rampe en colimaçon. Je donnais une signification à des détails qui dans notre réalité n’en avaient pas. J’étais déjà rentré dans le prodrome, phase avant coureuse de ce trouble psychique sévère.

Ce n’est que 7 ans après, lors d’une réadaptation thérapeutique en milieu hospitalier que l’on allait m’estampiller d’un premier diagnostic psychiatrique.

Comme pour toutes les pathologies psychiques, il est certes difficile mais indispensable de poser un diagnostic. Car plus celui-ci est précoce, mieux il peut être traité et plus tôt nous pouvons reprendre, avec un accompagnement psycho-social individuel, le cours de notre vie affective et socio-professionnelle ...
Sur ce plan, je peux dire que le suivi avant et après le premier diagnostic a été bâclé. Des lacunes ont pu être observées, malgré mon manque d’acuité de l’époque, dans mes soins jusqu’en 2006. La psychiatre a tardé à me diagnostiquer, avec de surcroît des mauvais choix thérapeutiques … Je ne me suis pas privé de le lui signaler beaucoup plus tard ayant alors retrouvé tout mon jugement.

Je termine par ce qui me tient le plus à cœur

... la souffrance psychique des personnes sans chez soi, dont 30 à 50 % d’entre eux souffrent de très graves troubles psychiques, en toutes saisons.
Chaque hiver nous les rappelle à notre bon oubli. Ces hommes, femmes et enfants fragilisés par l’âpreté de la rue, dont les répercussions sur leur santé ne peuvent pas toujours être comptabilisées par les maraudes de nuit qui vont à la rencontre des sans abris aux portes de nos politiques, calfeutrés dans leur indifférence douillette. Il faut beaucoup d’abnégation dans ce combat pour suivre ces personnes libres de dire non à une aide qui souvent peut leur permettre d’endurer une nuit de gel ou pire de les garder en vie.
 
Je pense aussi à mes frères malades et enfermés derrière une porte d’acier avec une souffrance psychique sans nom. De fameuses statistiques ont relevé que 55% des entrants en milieu carcéral sont atteints de troubles psychiatriques. Que 3,8% des détenus souffrent d’une schizophrénie nécessitant un traitement. (…) Même si je pense qu’il faut juger certains délits selon le degré avéré du trouble psychotique, la France a le devoir de ne pas laisser croupir tout homme dans des conditions de détention suppliciantes psychiquement et dégradantes humainement.
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