Gilles
« La première fois que j’ai été à l’hôpital, les médecins ne m’ont pas vraiment parlé directement de la maladie. C’est un de mes potes qui m’a parlé de schizophrénie mais je lui ai dit que ce n’était pas ça, que j’avais eu un burn-out. Je me rappelle surtout qu’à partir du moment où j’avais repris mes esprits, j’avais discuté avec les médecins et leur avais demandé ce que j’avais le droit de faire ou pas. Effectivement, ils ont mis les choses sur la table, m’ont expliqué que j’avais un traitement, que je devais le prendre régulièrement, avoir un suivi. Au début, tu te sens un peu en bas de l’échelle, et puis après, tu prends ta vie en main. »
Charlotte
« J’ai souffert d’anorexie à 15 ans et je pense que j’aurais dû avoir un premier suivi psychologique à ce moment-là, car par la suite j’ai plus ou moins fui et pensé que c’était derrière moi. J'ai été hospitalisée en 2015 alors que j'avais 23 ans et que j'étais en cours à Tahiti. J'ai fait une bouffée délirant aigüe après avoir consommé du cannabis, être tombée sur le crâne et eu le chikungunya. Les médecins ont établi que c'était un évènement isolé, ce qui n’était pas le cas. J'ai arrêté le traitement six mois après comme cela était prévu avec le psychiatre. J'ai fait une rechute deux mois après l'arrêt du traitement et j'ai à nouveau été hospitalisée. Malgré les voix, les médecins n’ont pas émis de diagnostic et ont parlé d’un évènement isolé, puis d’une rechute.
J'ai donc repris le traitement pendant deux ans et demi. Je l'ai à nouveau arrêté en janvier 2018 avec l'accord de mon psychiatre. J'ai fait une rechute en septembre dernier alors que je suivais une formation d'un mois, en logeant sur place. La rechute s'est faite sur un mois et j'ai été hospitalisée en octobre sous contrainte à Rouen. J'ai été diagnostiquée schizophrène en décembre avant de sortir.
Je pense qu’il ne faut pas avoir peur du diagnostic, quitte à revenir dessus par la suite. Je me trompe peut-être mais je pense que la maladie est encore trop diabolisée et que les médecins ont peur d’en parler. Cela créé une peur chez le patient et son entourage qui ne fait qu’aggraver l’exclusion. »
Corinne
« Je pense que le trouble de Sophie a dû commencer vers 15 ans. Le médecin généraliste a dû prononcer le mot de schizophrénie à 17 ans, c’était un mot que je ne connaissais même pas. Pour vous dire la vérité, je ne suis même pas aller sur Internet pour chercher.
J’étais dans la gestion des difficultés du présent.
Mon médecin généraliste, je lui en serai toujours reconnaissant, j’en voudrais toujours à ce psychologue du CMPP qui l’a laissée partir dans la nature, sans nous rappeler, sans nous dire, « attendez, il y a quelque chose d’un peu inquiétant », et ce psychiatre qui nous dit quand Sophie a 17 ans, « votre fille va très bien » et un an après, elle était hospitalisée quand même. Cela, c’est scandaleux, c’est deux ans de perdus.
Après, on a eu la chance d’entrer dans un parcours de soin, c’est un moment extrêmement violent, et pour les jeunes qui se retrouvent dans des milieux… Sophie avait 18 ans, donc c’était la psychiatrie normale, avec des gens âgés, chronicisés, c’est effrayant… »
Olivier
« Tout a commencé par un burn-out professionnel à l'âge de vingt ans. Mon médecin traitant m'a rapidement mis sous tranquillisants : Valium, Xanax, Seresta... et bien d'autres encore. J'en faisais une consommation astronomique pour essayer d'enrayer ce que j'appelle un trouble anxieux généralisé. La dépression a suivi trois à quatre mois après. A l'époque, je n'avais pas de psychiatre, donc mon médecin, pensant bien faire, m'a mis sous antidépresseurs.
Plus le temps passait plus mon état empirait. Un an après le burn-out, ma mère a pris un rendez-vous avec mon premier psychiatre. Celui-ci a posé le diagnostic de bipolarité. Mon traitement comprenait du Depakote, du Solian et un antidépresseur dont je ne sais plus le nom, du Prozac je crois. J'ai pris ce traitement pendant une période que je ne rappelle plus.
Le temps passait et mon état ne s’arrangeait pas. Après quelques rendez-vous avec mon premier psychiatre, je me suis décidé à aller en voir un autre. Une femme, cette fois-ci. J'avais une grande confiance en elle. Elle m'écoutait et prenait son temps pour moi. C'est elle qui me prescrivit un nouveau médicament qui venait d'arriver sur le marché français, l'Abilify. On a commencé avec des petites doses puis on a augmenté. Pour elle, le diagnostic était tout autre. Je suis passé de bipolaire à schizophrène dysthymique. Ce qu'on appelle aussi schizophrénie pseudo-affective. Un mélange entre schizophrénie et troubles bipolaires d'une certaine façon.
J'ai eu la chance de trouver récemment une nouvelle psychiatre qui m'a beaucoup aidé, elle aussi, et pris du temps pour comprendre ce qu'il m'arrivait. Le diagnostic était posé, il ne restait plus qu'à trouver le bon traitement. Ce qui a pris, au total, onze ans. »
Caroline
« Après l'enterrement de mon père, j'ai été une nouvelle fois internée. La mort de mon père fut alors, je pense, comme un catalyseur de la maladie. Pour la première fois on me parla de la schizophrénie sans me donner de détail. On a une nouvelle fois instauré un traitement , toujours avec des antipsychotiques. Je suis restée hospitalisée, environ deux mois. À ma sortie j'avais encore un traitement lourd qui avait pour effet secondaire principal de me faire dormir. Lorsque j'ai repris une activité professionnelle, ma cheffe pensait que j'étais narcoleptique car je m'endormais fréquemment.
J'ai donc poursuivi ma vie en étant hôtesse d'accueil en entreprise et sous traitement. Ce traitement qui ne me convenait pas, j'ai fini par le prendre de façon très irrégulière jusqu'à me retrouver à nouveau hospitalisée. Trois fois par la suite. C'est lors de l'avant-dernière hospitalisation que j'ai tout compris. Grâce à l'aide d'un psychiatre extraordinaire qui m'a ouvert les yeux. Après de longs entretiens, il m'a bien confirmé le diagnostic d'une schizophrénie.
»