« Mes études, mon travail étaient liés à ma passion, les livres. Les livres qui me tenaient debout, qui ne m’avaient jamais abandonnée, même dans les pires moments. Les mots, ceux que je lisais, ceux que j’écrivais, c’est ce qui m’a sauvée. Même quand il n’y avait personne, il y avait les mots. Alors, lâcher ça, ce n’était pas possible. Tout perdre, mes études, plus tard mon travail, c’était inconcevable. C’était tout ce qu’il me restait. C’était pour ça que je me battais tous les jours. Pour assurer mon présent et aussi mon avenir. Malgré la dépression qui ne me faisait songer qu’à la mort, malgré la psychose qui me faisait vivre dans l’autre monde, il y avait cette peur de perdre ce qui donnerait du sens à ma vie si un jour je guérissais.
Quand j’y repense, je ne sais pas comment j’ai fait. Mais je l’ai fait, et j’en suis heureuse.
Il y a eu aussi des gens qui m’ont aidée. Des amis qui sont venus avec moi chez la psychologue ou le psychiatre, à l’hôpital. Mais surtout, ma famille et mes amis m’ont fait du bien en étant ce qu’ils sont, des amis et de la famille, pas des soignants. En étant là, simplement. Bien sûr, j’aurais aimé plus de compréhension à certains moments, mais les gens ne savent pas ce qu’est la schizophrénie, et moi je ne pouvais pas en parler, la plupart du temps. Je ne savais pas ce qu’on pouvait faire pour moi, alors comment leur en vouloir de ne pas le savoir eux aussi ?
Ce sont les soignants, quand enfin on m’a bien soignée, qui m’ont le plus aidée à sortir de la maladie. Cette infirmière qui m’a pris la main. Ce n’est pas grand-chose, mais quand on est crise, c’est beaucoup. Ma psychiatre qui m’a dit « je suis fière de vous ». On ne me l’avait jamais dit. Mon médecin généraliste qui m’a forcée à prendre un congé maladie. Mon autre psychiatre, qui m’a si bien écoutée. »